12/18/2011

Huffington Post Québec : la chance au coureur

La divulgation de potentiels blogueurs de gauche pour le nouveau site de la version québécoise du Huffington Post a créé un certain émoi ces derniers jours. Le site devrait être en ligne d'ici quelques semaines, mais déjà, ses possibles rédacteurs soulèvent des questions.

Quand il a appris que Françoise David et Amir Khadir, de Québec Solidaire, ainsi que l'écrivain Jean Barbe, entre autres, avaient accepté de contribuer au Huffington Post, Simon Jodoin n'en revenait tout simplement pas. Dans une missive publiée le vendredi 16 décembre, le directeur du développement des nouveaux médias pour le journal Voir s'insurge du fait que Khadir et compagnie effectuent du bénévolat pour America Online, propriétaire des sites Huffington Post. La formule du Huff Post, dont des volets canadiens et anglais ont vu le jour cette année, consiste à diffuser des textes de blogueurs  sans que ceux-ci soient payés. Le site américain fait d'ailleurs face à une poursuite, des blogueurs réclamant d'être payés.

Jodoin ne comprend donc pas les blogueurs d'offrir du contenu pour Huffington Post Québec. estimant qu'ils sont "complètement tombés sur la tête". Il y voit un gros manque de cohérence avec les discours des rédacteurs, surtout Barbe, qui n'a pas caché partager l'idéologie du mouvement des "indignés" il y a quelques semaines à peine. Jodoin aurait préféré qu'ils réfléchissent un peu et s'abstiennent d'encourager un modèle qui s'apparente à de l'exploitation de créateurs. Pourtant, le site Voir.ca offre ce genre de tribune, aussi sans rémunération. En deuxième partie d'un autre billet sur le sujet, Simon Jodoin ironise à propos du modèle du Huffington Post.

MAJ : En fait, non, désolé, Voir paye ses blogueurs, à raison de 5 $ pour 1000 pages vues (voir article ici).

Mais quand même, pensons-y un peu. Il ne faut pas capoter, d'abord. De plus, c'est un peu décevant à dire, mais si Voir avait eu l'idée de réunir des têtes aussi brillantes que Khadir, Barbe et Normand Baillargeon, peut-être auraient-ils accepté. Je dis vraiment ça comme ça. Les personnes qui ont été contactées pour contribuer au site, sans savoir dans quoi elles s'embarquaient complètement, ont certainement jugé qu'il serait intéressant que leur point de vue apparaisse sur un site comme celui du Huff Post. Il aurait tout aussi bien pu apparaître sur un espace créé par Voir ou un autre média (bon, peut-être pas Quebecor). Voir a raté une belle occasion de recruter de belles collaborations, malheureusement.

Le Huffington Post Québec est d'ailleurs destiné à devenir un média d'information (et d'opinion), entièrement sur le Web, en misant entre autres sur l'interaction avec les lecteurs. J'y vois beaucoup de bon. Le site aura des journalistes, payés, et offrira également une tribune en reprenant des textes de personnes influentes. Il y a un buzz autour de Huff Post, c'est clair, "de quoi stimuler le milieu médiatique québécois", selon la professeure en journalisme Colette Brin, de l'Université Laval.

Présentement, voyant la petite polémique que cela crée, certains réfléchissent à leur collaboration. Normand Baillargeon consulte ses contacts Facebook. La sexologue Jocelyne Robert ne change pas d'idée, par contre, jugeant que "tout ne se paie pas". "Dans mon esprit, c’est non seulement un droit mais un devoir de décliner mes idées et ma pensée là où je juge qu’elles sont le plus susceptibles d'atteindre un public large et diversifié." La formule du Huff Post attire bien des regards, et les rédacteurs approchés seraient bien fous de ne pas profiter de la tribune qu'on leur offre. Peut-être cela est-il discutable, au plan éthique, mais reste que plus de gens vont lire des opinions qui risquent d'être fort pertinentes.

Sérieusement, je ne vois pas trop de mal à consulter les opinions de Khadir, Drainville, Curzi et bien d'autres même si elles ne sont pas hébergées sur un site québécois. Si le contenu y est de qualité, je vais le lire, n'en déplaise à Simon Jodoin. Vraiment, je suis très curieux de connaître ce que va proposer le Huff Post, version Québec. Donnons la chance au coureur.