5/12/2009

Les marionnettes

J'ai été bien surpris en lisant la chronique de Patrick Lagacé de mardi matin. On y apprenait que le mouvement À vélo citoyens, visant à promouvoir l'utilisation du vélo en ville, était entièrement fabriqué par une agence de marketing, et non par des citoyens ordinaires, comme on avait bien voulu le faire croire.

Résumons : la firme monréalaise Morrow Communications a virtuellement inventé des humains et les a fait agir sur le Web grâce à un blogue appelé À vélo citoyens et à Facebook, entre autres. Des gens se sont attachés aux personnes fictives et ils ont fait de la pub pour la chose sans savoir qu'une agence était cachée derrière.

L'affaire soulève certes l'éthique de la campagne publicitaire. Dans sa chronique, Patrick Lagacé a révélé que bien des Québécois s'étaient fait avoir par une entreprise de marketing. Il me semble que lorsque des gens se font berner, il y a automatiquement là un mensonge. Côté efficacité, on a rarement vu mieux, c'est vrai. Toutefois, la crédibilité du mouvement vient d'en prendre tout un coup et, du même souffle, le pouvoir des citoyens internautes aussi.

Voici ce qu'en dit Michel Philibert, directeur, communications-marketing, chez Stationnement de Montréal, le client de Morrow Communications, tel qu'écrit par Lagacé dans sa chronique.

"Non, ce n'était pas de la manipulation. La manipulation, c'est mercantile. Stationnement de Montréal, c'est privé, mais Bixi est un service public. On veut que ça marche."

Euh, oui, c'était clairement de la manipulation. C'est sûr que vous voulez que ça marche, vous avez même engagé une firme de pub pour ça! Et on s'en fout que ce soit mercantile ou non. À mes yeux, la question est ailleurs. Des gens, comme Patrick Dion, y ont cru et se sont donnés pour la cause, sans croire une seconde qu'il faisait la promotion de Bixi. On leur a menti. Même si l'utilisation du vélo est noble, on ne peut se permettre d'utiliser la voix d'autrui sans son consentement. Il est là le problème.

D'un autre côté, il est certain que cette "citoyenneté simulée" aura des impacts sur la perception qu'ont les gens à propos de ce qui se trame sur le Web. Alors qu'auparavant, on pouvait croire à l'honnêteté des gens ordinaires, qui ont des causes à coeur et qui en parlent passionnément sur Internet, aujourd'hui, ce n'est plus possible. Il faut constamment être méfiant et ne pas croire ce que les gens encouragent, même s'ils ont l'air si simples et si sincères.

À mon humble avis, ici, la publicité a repoussé à nouveau les limites de l'acceptable et elle a joué carrément avec le public, tel des marionnettes. Même si l'idée est en soi géniale, les citoyens sont loin d'être des panneaux publicitaires dont on peut profiter allègrement.

2 commentaires:

Isabelle a dit...

Salut Étienne!

Je crois que tu feras un très bon rédac' en chef l'an prochain! En tous cas, pour écrire des éditos ou des billets, tu vas l'avoir plus que moi ;)
J'aime vraiment la nouvelle orientation journaliste de ton blog, c'est réussi :) Bravo!

Isabelle

Étienne Ferron-Forget a dit...

Salut Isabelle!

Merci. Les bons mots font toujours plaisir. Bon boulot au Soleil, on se reparle.